Page:Leroux - Une histoire épouvantable, paru dans l'Excelsior du 29 janvier au 3 février 1911.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Alors, continua de raconter le capitaine Michel avec un gros soupir, alors, mon vieux camarade m’expliqua qu’autrefois, sur « la Daphné », un paquebot qui faisait le service d’Extrême-Orient, tous ces gens-là avaient fait naufrage ; que l’équipage s’était enfui sur les chaloupes, et que ces malheureux s’étaient enfuis, eux, sur un radeau de fortune. Une jeune fille admirablement belle, miss Madge, qui avait perdu ses parents dans la catastrophe, avait été recueillie également sur le radeau. Ils se trouvèrent sur ces planches treize en tout qui, au bout de trois jours, avaient épuisé toutes leurs provisions de bouche et, au bout de huit jours, mouraient de faim. C’est alors que, comme il arrive dans la chanson, on s’était entendu pour tirer au sort afin de savoir « qui serait mangé »… Messieurs, ajouta le capitaine Michel, très grave, ce sont des choses qui sont arrivées plus souvent peut-être qu’on n’a eu l’occasion de le raconter, car la grande bleue a dû passer quelquefois sur ces digestions-là…

» Donc, on allait tirer au sort, sur le radeau de « la Daphné », quand une voix, celle du docteur, s’éleva : « Mesdames et messieurs, disait le docteur, dans le naufrage qui a emporté tous vos