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enfin, je commençais à voir clair dans la plupart des phénomènes qui m’avaient tant remué la cervelle, et si les culs-de-jatte expliquaient par leur présence bien des choses, la présence des culs-de-jatte, elle, restait à expliquer, et aussi la monstrueuse union de cette magnifique créature avec cet affreux morceau réduit d’humanité !…

» Certes, je comprenais maintenant que les petits troncs ambulants devaient passer inaperçus de moi dans l’étroite allée du jardinet bordée de buissons de verveine et sur le chemin encaissé entre deux courtes haies ; et, en vérité, quand alors je me disais à moi-même qu’il était impossible que je ne visse point passer quelqu’un dans ces sentiers, je ne pouvais penser qu’à quelqu’un « qui y serait passé sur ses deux jambes ».

» Le bouton de la porte, lui-même, n’avait plus pour moi de mystère, et j’apercevais maintenant dans ma pensée l’invisible crochet qui le faisait tourner…

» Le bruit du cui… cui… cui… n’était autre que celui des petites roues mal graissées de ces chars pour avortons. Enfin, le prodigieux bruit de tonnerre de tambour de bois ne devait être que celui de tous ces petits chars et de leurs crochets battant les parquets, à l’heure, sans doute, où, après un excellent dîner, messieurs les culs-de-jatte s’offraient un petit bal…

» Oui, oui, tout cela s’expliquait… mais je sentais bien, en regardant leurs étranges yeux ardents et en écoutant leurs bruits singuliers de pincettes, qu’il