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Une Histoire épouvantable
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Le Chinois, le Malgache et le Soudanais, explique Dorée, confidentielle, je ne sais pas leurs vrais noms, ni leurs âges, ni rien et personne ne le sait à Toulon. C’est prodigieux de les voir ici… En voilà qui sont du Mourillon, du vrai Mourillon… Ce sont des capitaines de la coloniale. Sur quatre années, ils en passent trois dans leur pays de là-bas, en Chine, à Madagascar, au Soudan, et, la quatrième, ils refont leur foie au bord de la mer, en se chauffant au soleil, dans le jardinet d’une villa… On dit des choses d’eux : « Ils vivent ici, pareils que chez les sauvages… Ils mangent à la sauvage… enfin, tout !… »
Claude FARRÈRE
(Les Petites Alliées)


Le capitaine Michel n’avait plus qu’un bras, qui lui servait à fumer sa pipe. C’était un vieux loup de mer dont j’avais fait la connaissance en même temps que celle de quatre autres loups de mer, un soir, à l’apéritif, sur la terrasse d’un café de la vieille Darse, à Toulon. Et nous avions ainsi pris l’habitude de nous réunir autour des soucoupes, à deux pas de l’eau clapotante et des petites barques dansantes, à l’heure où le soleil descend du côté de Tamaris.

Les quatre vieux loups de mer s’appelaient Zinzin, Dorat (le capitaine Dorat), Bagatelle et Chanlieu (ce bougre de Chanlieu). Ils avaient naturellement navigué sur toutes les mers,