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COMMENT J’AI MANQUÉ CHAMBERLAIN

heures ! Et l’on se battait sur les bords de la Modder-River ! Sans me rendre un compte bien exact de l’utilité qu’il pouvait y avoir pour Mr Chamb’l’in à se tenir debout pendant que ses troupes tiraient des coups de fusil dans le sud de l’Afrique, cette pensée qu’il était encore couché bouleversait toutes les idées que je m’étais faites, jusqu’à ce jour, d’un véritable homme d’État.

On me laissa seul. J’examinai les choses : une collection du Times, les œuvres d’Alexandre Dumas, en français, dans la collection des bouquins verts à dix-huit sous, un portrait de Gladstone avec sa signature, un dessin original du Punch, montrant un matelot donnant sur le tillac et rêvant à Chamb’l’in qui apparaît, dans un nuage, avec une tête d’ange, son monocle et des ailes aux oreilles, et cette légende : « The Cherub ! »

Et l’on m’a laissé une demi-heure dans ce bureau, en face du chérubin et aussi… de son courrier. Oui, sur la table, il y avait toutes les lettres arrivées le matin, toutes les revues, jusqu’à « The life of Wellington », tout le courrier, vous dis-je, du ministre des colonies. Et j’admirai la confiance de ces gens qui, sur ma seule qualité apparente de « gentleman », me laissaient, sans hésiter une seconde, en face de cette chose précieuse… Vingt lettres étaient là, dont… la mienne. Je la considérais d’un œil attendri quand le secrétaire entra, vêtu d’un