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COMMENT J’AI MANQUÉ CHAMBERLAIN

J’étais dans le parc. J’avais devant moi le dos, comme on dit en Angleterre, de la demeure de Mr Chamb’l’in. Cela ressemblait à un groupe de petites chapelles de style gothique rayonnant, mélange fort gracieux de briques rouges et, aux fenêtres, de pierre blanche. Sur ma gauche, les remises et les écuries. La porte d’une écurie était ouverte et j’y découvris, en passant, un palefrenier qui étrillait un cheval, je m’avançai, car, dans ma mémoire, chantait une phrase de ma « Méthode Ahn », et je la lui lançai, très flegmatiquement :

What a beautiful horse !

Pour ceux qui n’ont pas appris l’anglais dans ma méthode, cela veut dire, paraît-il : « Quel beau cheval ! » Je ne me connais pas en anglais, mais je me connais très bien en chevaux, et je vous affirme que je n’ai jamais vu, de ma reporteresse de vie, carne plus pitoyable que celle-là.

Le palefrenier, très flatté, s’avança vers moi, et j’en profitai pour lui montrer ma lettre. Il la considéra avec stupéfaction, mais la prit et s’en fut vers le château. Là, sur le seuil, il rencontra un larbin qui lui prit la lettre et qui disparut. Cinq minutes plus tard, un maître d’hôtel en smoking m’appela d’un geste. J’étais bien content. Je pensais que Mr Chamb’l’in avait lu ma missive et que j’allais l’interviewer.

Il n’en était rien. Le maître d’hôtel me dit, en me montrant ma lettre intacte :

Mr Chamb’l’in or secretary ?