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LA FLAMME

qui vaut plus d’un million, sur le musée, sur les archives… Car la flamme clémente ne dévorerait que le Passé et aurait respecté la Vie.

Mais voilà que sur la place, dans la quiétude égoïste du spectacle de la chose qui brûle, un bruit vole de bouche en bouche : « Henriot ! La petite Henriot ! Qui a vu Henriot ! On dit qu’elle était dans sa loge ? »

Albert Lambert court comme un fou. Il s’arrache les cheveux. Il hurle, pendant qu’on jette des tableaux par les fenêtres. Il crie que Henriot est là-haut ! là-haut ! Et il court ! Il court ! Avant de sauver de vieux cadres, qui pensera à sauver Henriot ?

Mais voilà. Il paraît que c’était impossible, cette histoire de la mort de Henriot. Mlle Henriot n’est point morte. On le saurait. Or, des gens bien informés vont de groupe en groupe, affirmant que Henriot n’est point morte.

On dit qu’on a descendu le corps d’une habilleuse, d’une habilleuse de Mlle Dudlay ou de Mlle Henriot ; ce n’est point sûr. Et puis ce corps, qui l’a vu ? Cette femme était-elle réellement morte ? Les bruits les plus contradictoires circulent. Alors on n’écoute plus. On regarde.

C’est toujours la même chose. Les pompiers grimpent dans les haubans noirs des échelles. Il y a des bouts de tuyaux qui se fourrent partout et qui crèvent et vous éclaboussent. On assiste avec intérêt au sauvetage des livres. Et, pendant deux heures, au moins, on se passe de mains en