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SUR MON CHEMIN

Mes yeux rencontrèrent, en effet, un poteau surmonté d’une sorte de pupitre comme on en voit devant les musiciens. Au pied de ce poteau était attaché, pâle et défait, le patient. À ses côtés on lui avait laissé deux amis qui étaient chargés de lui faire prendre patience et de lui prodiguer les dernières consolations. C’étaient MM. Sardou et Coppée. Ces trois personnages, comme le reste de la tribu, étaient couverts de feuilles de chêne qu’agrémentaient quelques fleurs, rouges ainsi que des coquelicots. Ils s’étaient faits beaux pour la cérémonie.

Et le supplice commença. Le bourreau lança la première flèche.

Le patient la reçut avec un sourire. On voyait tout de suite que c’était un homme plein de courage et qui ne quitterait cette mine hautaine et ineffablement méprisante qu’après avoir reçu beaucoup de flèches comme celle-ci.

Il convient de dire que le bourreau était des plus adroits, que la plupart de ses coups portaient et qu’il était rare qu’il ne touchât point le cœur, l’amour-propre, l’orgueil ou quelque autre organe ou sentiment intime des plus délicats, et qui saignent abondamment. Plus le patient affichait d’indifférence et cachait de douleur, plus le bourreau précipitait ses coups ; et il arriva un moment où le pauvre supplicié ne fut plus assez maître de lui pour dissimuler des mouvements d’impatience.

Heureusement, il avait à son côté le bon ami