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SUR MON CHEMIN

Les grincheux se mirent à rire, mais l’artiste dramatique ne riait pas. Il continua le plus sérieusement du monde :

« — Elle fondra, vous dis-je. Croyez-en un artiste de café-concert qui chanterait désormais devant des banquettes vides à cause des fêtes de nuit de l’Exposition, si l’Exposition ne devait pas fondre. Mais elle fondra. Je l’ai vue bâtir. Tout ça, voyez-vous, c’est du maquillage. Avez-vous assisté à la toilette de quelque amie de coulisse, dans sa loge, avant l’entrée en scène ? L’artiste, épaules et bras nus, se lave à l’eau de Cologne, puis se frotte la peau de vaseline ; par là-dessus, elle étend de la crème blanche, se met du rouge aux pommettes, puis égalise, amalgame le tout avec de la poudre de riz à profusion. Ce n’est que le gros œuvre. Le travail de détail suit. Elle souligne l’éclat du regard au crayon bleu ; s’allonge démesurément les yeux ; se passe, au bout d’une brosse, du cosmétique sur les cils, après l’avoir fait chantier sur une petite lampe à esprit de vin que défendent les règlements ; se met du rose aux paupières et du carmin éclatant à la bouche, en soignant le dessin des lèvres. Puis c’est le travail des mains qui recommence, vaseline et poudre, ongles roses. Puis c’est la perruque. Quand tous ces ingrédients ont passé sur votre amie, et qu’elle apparaît à tous si belle et désirable, vous êtes le seul à ne point pousser le cri d’enthousiasme ; car vous avez surpris le secret de sa beauté et vous savez ce que valent les