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SUR MON CHEMIN

nion publique annoncée eut lieu. Dans une grande salle, traversée d’un immense tuyau de poêle, debout sur les bancs, se dressent les citoyens. Atmosphère de tabagie et de jurons. On n’aperçoit point l’estrade où s’égosillent les concurrents. Des lambeaux de phrases nous arrivent, des déclarations ineptes, des histoires bêtes à en pleurer. Le tout est coupé de protestations, de bravos, d’acclamations…

Le candidat modéré — on est toujours plus modéré que quelqu’un — est honni, bafoué, traité de misérable et prié de se taire. L’autre peut tout dire. Car, entre ces deux hommes, tous deux menteurs, bafouilleurs et sycophantes, un choix a été fait. Il y a une majorité.

Écoutez :

« Je veux la liberté pour tous… » — À Mazas ! — « Les juifs ne nous font pas peur !… Et, quant à moi, j’ai toujours eu pour l’armée… » — Vive Biribi ! — « C’est en vain que les jésuites… » — À bas la calotte ! — « Citoyens, je suis fier de pouvoir vous dire… » Ta gueule ! — « …de pouvoir vous dire… » — Ta gueule ! — « …de pouvoir vous dire… » — Ta gueule ! Ta gueule ! Ta gueule !…

Et ils iront voter. Et le candidat est rentré chez lui malade, harassé, déshonoré, enroué, ayant peut-être gagné quelques voix, mais ayant sûrement, de par l’abus de la parole, perdu la sienne.

Et ceci se passe dans les préaux ou dans la salle d’une école. Regardant ces murs où pen-