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LA SENTINE

vait qu’il ne trompait point les autres et qu’on le proclamait roulé d’avance. Comme je m’étonnais un peu de son manque d’allure au moment où il se disposait à catéchiser les populations, il m’avoua :

— J’ai pris trente-et-un quinquinas hier !

Allons ! Il me conduisit par des rues étroites, par des voies larges, par des places publiques où son nom se répétait mille fois sur les murs. Ses affiches, mangeant celles des concurrents, habillaient les colonnes, faisaient un tapis aux marches des temples, mettaient des coins de loques aux manteaux des statues. Et, comme nous traversions la place Clichy, il me montra le monument du maréchal Moncey.

— Regarde ce socle, me dit-il. Il est rond. Sa circonférence est un motif continuel de conflit. Que n’est-il carré ou simplement quadrangulaire ? Chacune de ses faces appartiendrait aux candidats respectifs des quatre quartiers qui y aboutissent. Mais il est rond, et c’est au petit bonheur que la séparation s’est faite. Les affiches du dix-huitième y empiètent un peu sur celles du neuvième. Le côté du socle qui regarde les Batignolles ne devrait exposer que les placards du dix-septième, et, cependant, tu vois, dépassant un peu, les noms de MM. Denys Cochin et Roger Allou, qui, appartenant au huitième, devraient se trouver bien en face de la rue d’Amsterdam. C’est insupportable, et les électeurs ne s’y reconnaissent plus.