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L’ENTHOUSIASME

quand le rideau tombe et qu’il se relève, elles disent encore : « Brav !… Brav !… » et puis, quand il ne se relève plus, elles ajoutent : « C’est adorable, ma chère. »

Elles ne disent point toutes cela. Il y en a qui ne disent rien du tout. Mais ce sont les plus rares. Ordinairement, elles sourient et elles ont des moues exquises. Elles disent d’une façon très distinguée : « Ce Rostand, quel poète ! » Quant aux mains gantées, elles se battent pour rire et ne font pas beaucoup de bruit, à cause de leur petitesse. Les pieds se tiennent tranquilles.

Mais ce qu’il y a de plus important dans la découverte que je fis hier de l’Enthousiasme, c’est qu’il n’est pas « un ». Il est innombrable, et sa grande âme se divise en une quantité de petites âmes qui frissonnent de la façon la plus diverse et qui racontent les choses les plus contradictoires. Après le quatrième acte, j’ai même rencontré des âmes qui ne frissonnaient plus et d’autres qui s’ennuyaient. Ce sont des âmes menteuses, sans doute.

On s’aperçoit de cette grande diversité de l’Enthousiasme, quand on le rencontre dans les couloirs. Il discute avec lui-même. Il se fait les demandes et les réponses. Par une bouche, il dit cette stupidité : « Ce n’est pas le lyrisme romantique dont Hugo nous inonda ». Par une autre, il répond cette sagesse : « Non, c’est un autre genre, le genre éminemment français. » À quoi un troisième enthousiasme qui passe ajoute : « Parfai-