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TOMBÉ

leur pâle azur la douceur infinie du pardon.

Leur tristesse est immense, pour ceux qui jetèrent bas le lutteur au milieu de son combat, par traîtrise et lâcheté, pour ceux qui voulurent clore à jamais cette bouche retentissante, sur le seuil du temple de justice où elle nous apportait une parole de flamme dont plus d’un eût été embrasé ; leur tristesse est immense pour ceux qui ne comprirent rien à la tâche ardente de bonne foi et de sincérité qu’il voulut accomplir, et pour ceux encore qui virent en lui l’avocat d’une cause ennemie, là où il n’y avait qu’un homme clamant sa conviction sur le monde ! Leur tristesse est immense pour les misérables qui lui ouvrent la tombe et qui ne l’entendront point…

Car, il a pu croire qu’il allait mourir. Et moi-même, en face de la matité extraordinaire de son teint et la décomposition de ses traits, je l’ai cru. Et le groupe peu compact encore des passants qui entouraient le malheureux de leurs figures de consternation et d’effroi l’ont cru, et il a pu lire cette crainte d’une issue redoutable sur ces figures. Près de là, fébrile, un homme habillé de noir, le docteur accouru du lycée, attendait avec des gestes impatients le grabat qu’on était allé chercher pour le transport du blessé… Celui-ci n’avait peut-être alors pour lui donner confiance que sa jeune femme : l’atroce douleur et la volonté surhumaine de ne point la laisser éclater la faisaient plus belle encore.