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EN ROUTE !

leur proue, sur le beaupré. En réalité, il n’est pas si serpent de mer que ça ; c’est simplement le refroidisseur d’eau. Ça ne l’empêche pas de ressembler à un serpent. J’y tiens. Tous ces monstres, pour le moment, demeurent en place, mais on sent leur impatience, ou plutôt on l’entend. Quand on les maintenait trop longtemps en place, les chevaux, — du temps où il y avait des chevaux, — piaffaient ; les automobiles trépident. C’est leur façon de piaffer. Toutes ces bêtes halètent, non pas du chemin parcouru, mais du chemin à parcourir. Elles reniflent la route ; elles frissonnent à l’idée de partir comme des folles, dans le vent. Des palefreniers leur passent sous le ventre et visitent, méticuleux, leurs quatre fers : je veux dire qu’avant le départ des mécaniciens, le dos sur la route, leur rivent, par en dessous, le dernier écrou. Et je ne regrette point cette cacophonie de comparaisons où je les vois tour à tour vaisseaux de guerre, cavales, serpents et bêtes de l’Apocalypse, car elles sont tout cela et d’autres choses encore, excepté des voitures.

J’interroge sur leurs « combien à l’heure ? » Et je suis stupéfait de tant de vitesse dans aussi peu d’espace. Ici on m’accuse soixante, soixante-dix kilomètres à l’heure. Quatre-vingts. Je m’arrête devant le plus formidable. « Celle-là, me dit-on, on ne sait pas ! » C’est beau à regarder passer, toutes ces machines-là ; j’aime mieux ça que d’être dedans.