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SUR MON CHEMIN

Une voiture de course au contrôle. Je m’approche, horrifié ! C’est un monstre ! Je ne le dis pas, bien entendu, pour ne pas m’attirer de méchante histoire, mais c’est un monstre ! Imaginez une hôte écarlate accroupie, mais une bête déchiquetée, à laquelle on n’aurait laissé que les organes de la locomotion, organes à nu, à vif ; l’art du voiturier a négligé de les habiller. La bête est tellement laide que c’en est beau, car il se dégage d’elle une impression de force brutale et de puissance contenue qui vous frappe et arrête sur les lèvres l’insulte que vous alliez jeter à son inesthétisme.

Ces voitures de courses sont réellement prodigieuses. En voilà une que vous prendriez, si elle marchait sur l’eau au lieu de marcher sur la route, pour un petit cuirassé. Elle est tout en fer badigeonné de blanc, comme les vaisseaux de haut bord, et elle a un éperon auquel je souhaite de ne jamais fendre que l’air. On pourrait couper du pain avec. Un autre cuirassé, peint en vert, vient grossir l’escadre. Une autre voiture, à côté, semble un petit de locomotive, qu’un chirurgien du Creuzot aurait disséqué de son scalpel.

Certains de ces navires exhibent à leur avant l’horreur d’un ver solitaire, ou bien encore de quelque affreux serpent de mer qui, en mille replis, se tourne, se contourne, se retourne et se détourne. Il a l’air de garder l’engin ; c’en est le mauvais génie. Il remplace le bon génie que les honnêtes bateaux, qui vont sur l’eau, portent à