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SUR MON CHEMIN

J’avais pris l’un pour l’autre, et, le plus beau est que tous les deux avaient été mes professeurs. On peut répondre à cela que tout le monde n’est pas « crétin » comme moi. Non, mais tout le monde est licencié.

Excepté Bodevin. Rentrons avec lui dans le grand tralala de l’examen. Des figures me sont restées gravées dans la mémoire pour les avoir eues, ce jour-là, en face de moi, de l’autre côté de la table, recouverte, comme il sied, d’un tapis vert. Je vois la face imberbe de Jobé-Duval, qui a toujours paru vingt ans, ce qui le faisait bousculer dans les couloirs par les candidats dont il se vengeait bien ; la tête de sénateur romain de Lyon-Caen, la silhouette aux épaules tourmentées de Vatrin, lequel était spirituel comme un bossu ; le tout petit Ducrocq, qui ouvrait les portes en se dressant sur la pointe des pieds. Plus il était petit, plus il était méchant : la terreur des élèves. Il vous posait des questions sur le droit administratif, comme s’il vous eût dit : « Racontez-moi comment vous avez assassiné votre père ! » et vous administrait des boules noires comme Fouquier-Tinville vous envoyait à l’échafaud ; Bufnoir, qui fut la bête de même couleur des candidats, et qui est mort tout de suite de n’avoir pas été doyen, au lendemain de l’élection de Garsonnet ; Léveillé, qui vous racontait toujours des histoires de voyage et qui traitait le droit criminel comme Boussenard les mystères de la forêt vierge. Je m’arrête à Valette, qui avait le