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SUR MON CHEMIN

Je ne lui cachai point mon étonnement de la première heure, et comme je le lui rappelais en analysant mes sensations d’alors, je lui demandai de vouloir bien me communiquer les siennes.

— Mon Dieu ! me dit-il, tout « mon secret », celui que vous me demandez, est dans l’unique souci d’une sincère impartialité, sans nulle arrière-pensée. D’ailleurs, les orages, le tumulte des assemblées me produisent un effet singulier ; ils refroidissent mon sang dans mes veines. Plus l’Assemblée devient houleuse, et plus je me sens…, je ne dirai pas calme, mais en possession de moi-même.

— À votre banc de député, éprouviez-vous la même sensation ?

— Oh ! pas du tout ! J’étais souvent pris, moi aussi, par les courants ambiants. Au fauteuil, un homme est tout autre. Il le faut bien ! Le sentiment de la responsabilité change tout.

— Et à la tribune ?

— À la tribune, c’était autre chose encore : je me rappelle que lorsque j’y parlai pour la première fois, j’éprouvai une sensation de distance incommensurable entre la tribune et l’auditoire. Je crus d’abord que cette distance, je ne la franchirais jamais !

« Vous compariez tout à l’heure le bâtiment parlementaire à un navire. Oui, c’est en effet un gros navire ; mais — ne vous y trompez pas — il suffit, pour faire virer cette lourde et puissante