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THÉMIS AUX CHAMPS

commence à, renvoyer les affaires « après vacation » dès la fin de juin. Les magistrats ne sont point les seuls coupables de cet état de choses. Les avocats y contribuent. Au mois de juillet, un grand avocat rapetisse s’il se montre dans les couloirs, en robe. À la fin de ce même mois, on l’y voit en veston. Il montre déjà sa tenue de campagne. Il va partir ; il part. Il ne reste plus que ses secrétaires pour demander quelques remises qu’on ne lui refuse jamais. Un avocat qui fait encore métier d’avocat à cette époque est un croquant. C’est un homme qui plaide pour gagner de l’argent et qui a besoin de cet argent pour vivre, ce qui est le comble. On le montre du doigt. Il se déclasse.

Août arrive ; alors il ne reste plus que des stagiaires sans relations et qui n’ont pu entrer dans un grand cabinet, ce qui leur permettrait en temps ordinaire de plaider quelques belles affaires d’office. Pendant les vacances, on leur donnera de la besogne, et ils espèrent bien avoir l’occasion de « se montrer. »

Mais cette besogne qu’on leur distribue est si peu intéressante, qu’elle ne leur permet, comme je vous le disais tout à l’heure, qu’un coup de toque au tribunal. Du temps que j’étais avocat, cela m’arrivait de prononcer ainsi cinq plaidoiries de suite, et je n’avais pas la pépie.

Du reste, quand on plaide, il vaut mieux se taire. Il y aura toujours quelqu’un pour vous en être reconnaissant, ne serait-ce que le tribunal.