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SUR MON CHEMIN

Là-dessus, l’un d’eux raconta qu’il avait entendu Gambetta lui-même au procès de la souscription Baudin, et il fit une peinture de l’enthousiasme de l’auditoire quand le jeune orateur parla de « la conscience humaine, impuissante à réagir contre la tyrannie, malgré le défilé sublime des Socrate, des Thraséas, des Cicéron, des Caton, des penseurs et des martyrs ! »

Certains, même, évoquèrent Berryer défendant Louis-Napoléon après la tentative de Boulogne ; et, comme ils étaient en train, ils n’eurent garde d’oublier Odilon Barrot, qui fut l’avocat de tant de procès de presse sous Louis-Philippe. Ils se souvinrent aussi du procès de Lyon, de l’affaire du régicide Meunier, et du procès de Louis Blanc, et prononcèrent le nom de Ledru-Rollin. Je vous dis que ces hommes étaient des vieillards.

Comme ils venaient d’assister à une timide diatribe d’un de leurs jeunes confrères se plaignant de la façon pleine de désinvolture dont les avait traités M. Bérenger, ils eurent des sourires, et l’un d’eux fit cette réflexion « qu’ils en avaient vu bien d’autres sous la guerre et sous la Commune ». À l’entendre, le devoir de l’avocat politique n’est que partie de plaisir aujourd’hui, à côté de l’héroïsme qu’il fallut déployer alors. Ils rappelaient les conseils de l’Ordre de cette lointaine époque et je me souvenais du récit classique de Me Rousse : « Chaque semaine, par respect pour la coutume, pour ne pas laisser prescrire les traditions de notre Ordre, nos anciens s’assem-