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SUR MON CHEMIN

couverture d’une brochure, la tête des Pères conscrits.

Je trouve qu’on est, pour cet âge, sans pitié. M. Davont, dit Cailly, a vingt-deux ans. Il ne les paraît pas et continue à bouder dans son coin.

Enfin, M. le baron de Vaux, soutirant, clôt les interrogations, puisque MM. de Lur-Saluces et Marcel Habert sont ailleurs…

Et la parole est donnée à M. Sorel, greffier en chef de la Haute-Cour. Il en abuse immédiatement pour nous lire, pendant deux heures, l’acte d’accusation dressé par le procureur général, que tout le monde connaît et que personne n’écoute. Mais si, cependant, les juges… Ils tournent en cadence les pages de la brochure qu’ils ont devant eux. Je les regarde. Ils sont à mes pieds. Ils font là un éventail immense. En voici l’ornement : plus de deux cents petites taches roses, qui sont des crânes, s’alignent régulièrement en dix cercles concentriques que séparent dix contre-cercles de taches blanches, qui sont les brochures sur les pupitres.

À intervalles réguliers, les taches roses se rapprochent des taches blanches qui s’agitent, et il y a un grand mouvement unique, une longue ondulation de l’éventail qui fait monter vers nous comme une sensation de fraîcheur. Puis, peu à peu, les mouvements de l’éventail cessent, les taches roses sont immobiles : sur les pupitres, on ne tourne plus les pages de la brochure. Rien ne remue plus. Les juges, les accusés, les gardes ré-