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SUR MON CHEMIN

professions de foi chez ceux qui veulent franchir le seuil sacré du conseil de l’Ordre. Il en est du monde judiciaire comme du monde politique. On commence par être un révolutionnaire et on finit dans la peau d’un opportuniste. Ce privilège colossal, unique, qui a survécu à un monde disparu, à une civilisation morte, ce monstrueux pouvoir préhistorique de l’homme de loi, sitôt qu’il est inscrit sur les tablettes de la cour d’appel, n’a pas de plus cruel ennemi que le candidat au comité suprême du barreau ; quand il y est entré, il n’a point de plus solide défenseur. Avant le conseil, les réformes s’imposent. Après, elles ne se discutent même point.

Eh bien, si ! On les a discutées ! Une fois, qui n’est pas coutume, il y a quelques jours, et devant le conseil de l’Ordre. Ce que je dis là, qui n’a l’air de rien, est énorme, tellement énorme pour les initiés, que je m’attends à tous les démentis. Comment ! le conseil de l’Ordre a mis en discussion l’un des points quelconques de ses privilèges ? Mais oui, mon cher confrère. La chose fut tenue fort secrète, car elle était grave et destinée à remuer le Palais, à la veille des élections, Remuons-le.

Cette nouvelle apparaît d’autant plus invraisemblable qu’à la suite de l’initiative réformatrice prise par Me Moysen, lequel fit éditer, comme chacun sait, une brochure fort subversive sur le privilège des avocats, des pétitions avaient circulé au Palais et s’étaient vainement couvertes