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NIJNI-NOVGOROD

chars primitifs, où sont accroupies des familles. Elles retournent à la cabane lointaine, par delà les forêts, dont la ligne noire cache l’horizon, derrière le Volga. Ce sont les forêts mystérieuses où l’étranger ne pénètre pas, à l’abri desquelles vivent des peuples anciens, d’une religiosité terrible. Leurs instincts de sacrifice à la divinité dépassent toute imagination, et, pour se rendre propice leur dieu, ils sauront mutiler le voyageur comme ils se mutilent eux-mêmes.

Avant de quitter ce pays, avant de m’éloigner de ces forêts, je me suis répété les paroles du poème de Kollar : la Fille de Slava.

« Pourquoi nos cœurs frissonneraient-ils ? Pourquoi se plongeraient-ils dans le deuil ? Parce que nous avons trouvé devant nous un désert qu’aucune charrue n’a encore déchiré ?

» En revanche, nous sommes un peuple jeune. Nous savons ce que les autres ont fait, mais personne ne peut encore deviner ce que nous serons un jour au livre de l’humanité !

» Que serons-nous, Slaves, dans cent ans ? Que sera toute l’Europe ? La vie slave, comme un déluge, étendra partout son empire… »