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SUR MON CHEMIN

Dehors, en l’honneur des Français, on illumine. Il y a des lanternes partout. Elles dessinent des courbes, et des huit, et des angles, et des ogives aux arbres des jardins publics, aux Iles, à l’Aquarium, où l’on prépare des fleurs et du champagne pour les marins français. Ce sont des endroits de fête où l’on s’amuse de minuit à cinq heures du matin. Les femmes se sont faites plus belles et plus accueillantes si possible. Elles tournent au long des allées et nous glorifient : « Vive la France ! » Sur la scène des théâtricules en plein vent, les danseuses russes arrêtent leurs déhanchements nationaux pour « entonner » la Marseillaise. On se découvre. C’est fini. On se couvre. Le Bojè tsara krani. On se redécouvre. On attrape un rhume. On entre dans un théâtre, au centre du jardin. Tiens ! c’est Judic ! Elle nous raconte qu’ « il fait bon couper du jonc ». On la récompense de cette bonne parole par des acclamations enthousiastes. On va lui faire éloge dans la coulisse. Elle en pleure. À l’étranger, on s’attendrit tout de suite. Descente dans le jardin. Foule hurlante. « Les matelots sont rigolos. » Ils le sont trop : ça finira mal. Ils boivent. Nous buvons et les regardons boire. Un d’eux se lève, les bras en croix, et chante l’hymne au tsar. On l’attrape. On le jette ; vingt bras le lancent en l’air, et le retiennent, et le lancent encore. Marseillaise. On reboit. Les matelots ont maintenant sur leur tête des chapeaux melons, tandis que les Pélersbourgeois ont leurs bérets. Ils s’em-