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SOIRÉE À L’AMBASSADE

gens, commerçants gros et petits, et d’autres gens encore plus humbles, gens de maison que des larbins galonnés avaient introduits, portes larges ouvertes, dans cette luxueuse et hospitalière maison de France.

Alors M. Félix Faure prononça un tout petit discours, dans lequel il parla, naturellement, de la patrie absente et présente quand même. Ce fut un lieu commun, mais il fut sincère. Cela se voyait à l’émotion de celui qui parlait et de ceux qui écoutaient. Les dames, en chapeau de ville sous les feux éclatants des gerbes électriques, saluaient et s’essayaient aux révérences. Il n’y eut plus de protocole. Il y eut des cris dans les salons de l’ambassade. On clama haut et longtemps : « Vive la France ! » ce qui peut-être était défendu, et il arriva ce que ni les parades ni les galas n’avaient pu faire, il arriva que M. Félix Faure laissa échapper cette petite larme qu’il retenait depuis quarante-huit heures.

On se serra les mains, on se bouscula un peu. M. Félix Faure partit, suivi de M. Hanotaux. On cria : «Vive Félix Faure ! » et « Vive Hanotaux ! » On emporta des sandwichs et on rafla des camélias. Tout le monde était « bien content ».

Alors un haut personnage russe dit :

— Un président de République, monsieur, ce n’est pas un empereur !

Ce à quoi un haut personnage français répondit :

— Parfaitement : d’ici à Peterhof, il y a des steppes !