Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
SUR MON CHEMIN

Nous osons une question :

— Le droit qu’on vous accorde de décorer n’est-il pas un ordre qu’on vous donne ?

Le commerçant sourit et dit :

— Non. Mais, vous savez, les concierges montent et disent : « Des drapeaux aux fenêtres. » Or les concierges… les concierges sont de la police… Peu importe, du reste. Toute la population ne demande qu’à « marcher ». Elle n’a pas besoin d’encouragement.

— Et si elle ne voulait pas « marcher », si elle ne mettait pas de drapeaux ?

— Quand l’empereur allemand est venu ici, nous répond le commerçant français, je n’ai pas mis de drapeaux. On m’en avait prié. On me l’avait ensuite… ordonné, à moi et à mes compatriotes. Mais je n’en ai rien fait. Je n’ai pas pavoisé, et il n’en est résulté pour moi rien de désagréable. Vous voyez bien qu’on jouit d’une certaine liberté…

— L’empereur d’Allemagne a été bien accueilli ?

Très sympathiquement, mais sans enthousiasme. Il a paraît-il, fait une grande impression sur l’armée. Vous auriez tort, en France, de penser que l’amour que l’on a pour vous implique de… la froideur pour un autre. Mais sachez que l’on fait pour vous, à cette heure, ce qu’on n’a jamais fait pour aucun peuple depuis des siècles en Russie. Et ne doutez plus que l’on vous aime. Vous allez voir des foules acclamer M. Félix Faure « comme on n’en connaît pas dans le Midi ».