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À TRAVERS LA CORSE

national, et la moindre agglomération de paysans et de villageois dans le plus proche coin de la Normandie offre plus de pittoresque et plus de couleur locale. Quand je pense que les costumes des bandits que nous vîmes le jour suivant viennent de la « Belle Jardinière » ! J’en conserve une rage dont je ne puis me consoler que dans le souvenir du voyage merveilleux que nous fimes de Bastia à Ajaccio, à travers les terres. Cette île féconde et nullement cultivée, où la vue d’un champ de blé est si rare qu’on se demande où les Corses font pousser leur pain — ce à quoi on vous répond immédiatement qu’ils ne mangent que de la châtaigne — cette île est bien, à l’intérieur, la plus pittoresque qui soit. On y rencontre de temps à autre des bâtisses en ruines, des ponts croulants, des arcades qui s’effritent ; le tout est entouré d’une végétation sauvage et de bouts de maquis. Je vous signale tout particulièrement la région avant d’arriver à Corte. On dirait la Cour des comptes vingt ans après la guerre civile. À Corte, toute la population, en chapeau haut de forme, et ces dames en robe de soie noire, nous fit un gracieux accueil. Le curé affirma son dévouement à la République ; le maire, aussi.

M. Lockroy voulut au moins récompenser le maire, il lui attacha les palmes académiques à sa redingote. Le maire protesta en donnant ce détail qu’il les avait depuis quinze ans. Le ministre promit la rosette de l’instruction publique, mais oncques n’en voulut le maire.