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SUR MON CHEMIN

très mécontent ! Que serait-ce si, au lieu de lui montrer l’île d’Elbe, on lui avait montré Sainte-Hélène ?

J’ai compris, ce soir-là, pourquoi on voyait si souvent Emmanuel Arène sur les boulevards et si peu dans sa chère patrie.

— Vous venez ici tous les quatre ans ? lui demandai-je.

— N’exagérez pas, mon ami, me répondit le plus sérieusement du monde le député de la Corse : que faites-vous des scrutins de ballottage ?

Arène obtient dans tout ce pays le plus franc succès. C’est lui le grand dispensateur de toutes les joies. On m’a confié hier qu’on ne pouvait être garde champêtre s’il ne le voulait. Lui et Napoléon ont perdu la Corse : tous deux en ont fait un peuple de fonctionnaires dévoués aux intérêts de la métropole. Notre député pouvait-il mieux faire que suivre un aussi illustre exemple ? Ne lui en voulons pas. Ici, tout le monde lui en est reconnaissant.

La file des landaus ministériels entra dans Bastia avec un grand fracas. Elle était précédée d’une musique militaire et de cinq cents moutards qui exhibaient un grand enthousiasme en même temps que des habits en loques. Il y a tant d’enfants dans cette contrée qu’on ne voit plus leurs parents. Ceux-ci sont ridiculement habillés avec des « laissés pour compte » des grands magasins. Pas un homme, pas une femme avec le costume national : il n’y en a plus, de costume