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XI. — Où Rouletabille émet une opinion précise sur l’assassin

À la date du 27 mai. Carnet de Rouletabille : « J’étais persuadé qu’Estève en savait plus long qu’elle n’en avait dit. J’ai fini par lui faire avouer qu’elle avait accompagné, dans ce dernier mois, à plusieurs reprises, Odette dans les bois de Lavardens et que celle-ci, se cachant de tout le monde, s’y rencontrait avec un singulier personnage que M. de Lavardens avait vu une fois avec sa fille, ce dont il s’était montré fort étonné. Il s’agit d’une vieille femme qui n’est certes point du pays, qui vit loin de tous comme une sauvage et qui se terre on ne sait dans quel gîte.

» Odette a confié à Estève que cette personne avait excité sa pitié, qu’elle lui faisait volontiers l’aumône et qu’elle en était remerciée par une espèce d’adoration que la vieille avait pour elle. Souvent celle-ci lui disait la bonne aventure et lui prédisait les plus hautes destinées, ce dont l’enfant ne faisait que rire. Elle avait voulu dire aussi la bonne aventure à Estève, mais Estève qui est très superstitieuse, et qui croit aux maléfices, s’y est toujours opposée. La vieille avait une figure qui lui faisait peur, et elle ne comprenait point que sa jeune maîtresse pût se plaire dans la compagnie de cette sorcière qui disait s’appeler Zina.

» Assurément, Zina, d’après la description que m’en fait Estève, doit être bohémienne. Les rencontres avaient lieu le plus souvent entre Lavardens et Albaron, non loin du carrefour de la Font (la fontaine). Or, j’ai pu préciser que l’auto dans laquelle on avait emporté Odette s’était dirigée vers Albaron et qu’on ne l’a plus revue après Albaron. Je sens que je brûle et que le réseau de mon enquête se resserre autour des principaux personnages qui ont été mêlés au drame.

» Quel a été le rôle d’Hubert dans l’enlèvement d’Odette ? Tout est là ! Sait-il où elle est ? C’est possible, et je le souhaite, mais je n’en suis pas sûr ! Y avait-il partie liée entre lui et Callista ? L’idée de sa complicité m’est venue dans la minute que j’ai découvert entre lui et les bohémiens ce point de contact qu’est forcément le bijou offert par lui à Odette. Mais je me méfie de cette idée. J’en avais trop besoin (elle cadrait trop avec mon système) pour que je ne m’y sois pas attaché à l’instant même en dehors de tout esprit critique. En effet, de ce côté, rien n’est prouvé. Les bohémiens ont pu agir en passant par la propriété d’Hubert sans être de connivence avec ce dernier. Il leur était beaucoup plus facile en effet de passer de chez Hubert dans le Viei Castou-Nou que de pénétrer dans le parc de Lavardens directement, défendu qu’il est par de très hauts murs du côté de la campagne. Et puis, si Callista aidée d’Andréa a fait le coup, elle n’était peut-être point sans ignorer les menaces publiques proférées par Hubert et elle laissait ainsi les soupçons s’égarer sur Hubert.

» L’affaire est d’autant plus difficile sur ce