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ROULETABILLE CHEZ LE TSAR


I

GAIETÉ ET DYNAMITE


— Barinia, le jeune étranger est arrivé.

— Où l’as-tu mis ?

— Oh ! il est resté dans la loge.

— Je t’avais dit de le conduire dans le petit salon de Natacha : tu ne m’as donc pas compris, Ermolaï ?

— Excusez-moi, barinia, mais le jeune étranger, lorsque j’ai voulu le fouiller, m’a envoyé un solide coup de pied dans le ventre.

— Lui as-tu dit que tout le monde était fouillé avant d’entrer dans la propriété, que c’était l’ordre, et que ma mère elle-même s’y soumettait ?

— Je lui ai dit tout cela, barinia, et je lui ai parlé de la mère de madame.

— Qu’est-ce qu’il t’a répondu ?

— Qu’il n’était pas la mère de madame. Il était comme enragé.

— Eh bien, fais-le entrer sans le fouiller.

— Le pristaff[1] ne sera pas content.

— Je commande.

Ermolaï s’inclina et descendit dans le jardin. La barinia quitta la véranda où elle venait d’avoir cette conversation avec le vieil intendant du général Trébassof, son mari, et rentra dans la salle à manger de sa datcha[2] des Îles où le joyeux conseiller d’empire Ivan Pétrovitch racontait aux convives amusés sa dernière farce de chez Cubat. Il y avait là bruyante compagnie et le moins gai n’était pas le général qui allongeait sur un fauteuil une jambe dont il n’avait pas encore la libre disposition depuis l’avant-dernier attentat si fatal à son vieux cocher et à ses deux chevaux pie. La bonne farce du toujours aimable Ivan Pétrovitch (un remuant petit vieillard au crâne nu comme un œuf) datait de la veille. Après s’être — comme il disait — « récuré la bouche » (car ces messieurs n’ignorent rien de notre belle langue française qu’ils parlent comme la leur, et dont ils usent volontiers entre eux pour n’être point compris

  1. Commissaire de police.
  2. Maison de campagne, villa.