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LE MONSTRE EST LÀ

se méfie des autres et croit voir des espions partout ! On intrigue, on complote, on se ligue, on se trahit… On parle toujours de leur organisation… Possible ! mais certains chefs, paraît-il, savent surtout s’entendre pour l’organisation du coulage !… Tu penses s’il doit y en avoir un de coulage, dans une affaire pareille !… Mon vieux, quand je vois tout ce qui se fabrique ici, tu sais ! je ne peux pas m’empêcher de sourire en pensant à l’idée qu’on se faisait qu’au bout de six mois de guerre, ils manqueraient de munitions !… »

De fait, dans cette traversée de l’usine, forcément lente à cause des obstacles rencontres à chaque instant, on pouvait se rendre compte de l’apport formidable des matières premières et… de la rapide transformation de celles-ci en projectiles de toutes sortes, en armes de tous calibres.

Des trains glissaient, interminablement, se croisaient en tous sens, portant le fer et l’acier, emportant canons, obusiers, dans une atmosphère épaisse et brûlante et asphyxiante de fournaise, derrière les locomotives crachant une fumée noire, parmi le piétinement de milliers et de milliers d’ouvriers qui n’avaient pris que le temps du repos pour retrouver leurs places devant les brasiers, d’où fuyaient, par troupeaux, les équipes de nuit, avec des figures de fantômes.

Un coup de coude de La Candeur faisait retourner Rouletabille :

« Tiens !… ici… ce bâtiment… c’est le dépôt de munitions pour les 420… Regarde !… Voilà encore des obus qui arrivent !… N’est-ce pas que c’est effrayant !… Ils ne cessent d’en fabriquer, tu sais ?… Tu blaguais hier avec ton canon de 300 mètres ?… »

Un terrible coup de pied de Rouletabille sur l’énorme brodequin de La Candeur faisait faire une grimace au géant qui fut stupéfait de voir la figure bouleversée de son compagnon…

« Je te défends, tu entends !… Je te défends de jamais