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ROULETABILLE S’ORIENTE

« Et combien de soldats pour surveiller une Arbeiterheim comme la nôtre ?

— Une vingtaine de territoriaux qui reviennent avec nous au poste de casernement particulier quand les repas ou les repos nous y appellent et qui nous suivent dans les différents ateliers où nous travaillons, sans cesser de nous surveiller jamais !

— Vingt ! Ça n’est pas beaucoup, émit Rouletabille.

— Bah ! c’est trop pour ce qu’ils ont à craindre ! répliqua La Candeur. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse contre eux ! Songe qu’ils ont des mitrailleuses, et puis, de toute façon, nous serions bouffés en cinq secs, mon vieux !… Nous aurions les 400 000 ouvriers boches sur le dos, avant même que le général qui a la responsabilité de l’ordre ait pris le temps de faire téléphoner à tous les postes et de rassembler sa légion !… Ah ! on est sûr de nous ! si sûr que, parfois, nous jouissons d’une liberté relative…

— Vraiment ?… Mais je croyais que vos gardiens ne vous lâchaient jamais !…

— Dans les ateliers, au moment du travail, mais ils nous fichent la paix à peu près ici… On peut descendre à la cantine, à certaines heures… et, en glissant la pièce, on peut prolonger son séjour, la nuit, à la cantine, si on sait s’arranger avec le père Bachstein ?…

— Qui est-ce ça le père Bachstein ?…

— C’est comme ça qu’ils l’appellent ici !… le père Brique… paraît que Bachstein en allemand veut dire Brique… T’as déjà dû le voir…

— Ah ! le feldwebel qui a la surveillance de l’étage !

— Parfaitement !

— Mais il a l’air terrible !…

— Il n’en a que l’air. Il se fait des sous, va ! avec nous autres !… En voilà un à qui la guerre rapporte !… Tiens, mon vieux ! les amoureux se ruinent pour lui…

— Les amoureux ?…

— Ben oui ! y en a toujours qui ont besoin d’aller raconter des histoires aux dames !… Notre cantinier a deux