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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

tout. Il se répète exactement dans toutes les chambres, comme a pu le constater Rouletabille à travers les vitres des portes. Toutes les portes sont vitrées et la surveillance, ainsi, est rendue des plus faciles.

Le feldwebel qui a la responsabilité de l’étage comme une « gouvernante d’étage » dans un caravansérail à la mode, est un gros bonhomme d’une cinquantaine d’années, à figure de brique barrée d’une énorme moustache blanche qu’il relève inlassablement en roulant des yeux terribles.

Pas méchant homme, doit être bon père de famille, veut en imposer aux prisonniers : ainsi le juge au premier abord Rouletabille qui le voit entrer dans sa chambre et l’entend énumérer en termes retentissants et comminatoires les principaux points du règlement intérieur. Rouletabille reçoit le numéro 284.

Il occupera la couchette numéro 9. On se lève à 5 heures, on se couche à 9. À partir de 9 heures, le silence le plus absolu est de rigueur. Naturellement, le prisonnier fait son lit et lave son linge. Il reçoit, moyennant 80 pfennigs par jour, le logis, le couvert, et une paire de draps toutes les trois semaines ! On les gâte !… On les gâte !… Un coup de sifflet retentit dans le corridor. Il paraît que la soupe est servie pour les nouveaux arrivés. Derrière le feldwebel, les jeunes gens pénètrent dans une salle assez grande ; il y en a de cette sorte pour cinq dortoirs ou chambres telles que celle qu’habite Rouletabille…

Là encore, les quatre inévitables portraits, l’inscription relative aux espions et une longue table entourée d’escabeaux. C’est la salle à manger. Un déjeuner assez rudimentaire va être servi aux voyageurs qui n’ont pas mangé depuis la veille à midi et qui meurent de faim. Une table ! des chaises, décidément, on ne les traite pas en prisonniers, mais en ouvriers ! Le couvert est mis !… une assiette profonde de fer émaillé, une fourchette et une cuiller de fer battu !… Quel luxe !…

La soupe, servie par de vieilles femmes qui arrivent des