« Rouletabille ! » s’écria-t-il… et, aussitôt, se levant si brusquement qu’il faillit tout renverser, il saisit le reporter dans ses bras et le serra sur sa puissante poitrine.
« Prends garde, La Candeur ! dit Rouletabille, tu m’étouffes !…
— Ah ! laisse-moi t’embrasser ! Il y a si longtemps… Laisse-moi te regarder !… Mon Dieu ! tu as bonne mine !… moi qui craignais que la tranchée… mais asseyons-nous… ne laissons pas refroidir les tripes !… Tu vas déjeuner avec moi ! Mais par quel miracle es-tu là ? »
Rouletabille, libéré de l’étreinte du bon géant, déclara qu’il avait une faim de loup et que l’on bavarderait au dessert…
« Mange, mon vieux, mange !… Tu sais ! moi ! j’en suis à ma troisième portion et ma troisième bouteille de cidre bouché… Ah ! mon bon Rouletabille ! tu ne sais pas combien le métier que je fais donne de l’appétit !…
— Oui, oui ! je sais que l’on est très occupé dans les automobiles d’état-major !…
— Oh ! tu n’en as pas une idée !… On est en course tout le temps, mon vieux !… Et il faut être très débrouillard, tu sais ! et à la coule pour tout !… car, dans ce métier-là, on vous fait tout faire, même des achats pour la colonelle dans les grands magasins… Je te dis que tu n’as pas une idée !… »
Et le géant soupira, faisant disparaître le reste de sa portion… et en en commandant deux autres !…
« Au fond, je vois que tu es très malheureux, mon pauvre La Candeur !… Et, en vérité, je te plains !… Mais tout ceci n’est-il pas un peu de ta faute !… Pourquoi n’es-tu pas venu avec nous dans la tranchée ?… On a des loisirs dans la tranchée !… Sans compter qu’on n’est pas mal nourri du tout !… Et on a le temps de jouer aux cartes : ta passion !…
— Oui, ie me suis laissé dire qu’on y jouait pas mal à la manille !… À propos de cartes, fit tout de suite La Candeur, qui était visiblement gêné par le tour que Roule-