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TANGO

voulait marquer sa joie, à sauter comme une danseuse de théâtre, et à esquisser avec ses longues jambes, ce qu’on appelle, en chorégraphie vulgaire, une « aile de pigeon ».

« Rouletabille !… Ça c’est chouette !… Alors, on n’est plus de tranchées ?…

Et vous ?… »

Vladimir cessa de danser. Il regarda Rouletabille « de coin » en lui serrant la main. Il ne savait pas exactement si l’autre voulait plaisanter. À tout hasard il répondit, en souriant de son grand air niais :

« Oh ! moi, je suis un « indésirable ».

— Vous n’avez pas eu d’ennuis du côté de la Russie ? »

Vladimir toussa :

« Vraiment, mon cher, vous m’avez cru Russe ?… Eh bien, moi aussi, je me croyais Russe !… Mais figurez-vous que dès le début des hostilités, alors que j’étais prêt à faire mon devoir comme tout le monde, il m’arriva une chose étrange que je vais vous dire…

— Si c’est cette chose qui vous a empêché d’être soldat, vous avez bien dû souffrir, Vladimir !…

— Ne vous moquez point trop de moi, Rouletabille… j’ai toujours aimé la guerre, moi !… Et je ne crains pas les aventures, vous le savez bien !… Tout de même je serai d’accord avec vous sur la question militaire et je ne ferai point de difficulté pour vous avouer qu’il ne me plaisait qu’à moitié de faire la guerre en soldat, moi qui, jusqu’alors, ne l’avait faite qu’en reporter, ce qui demande moins de discipline !…

— Il est vrai, Vladimir, que vous n’avez jamais été bien discipliné…

— N’est-ce pas ?… Je ne vous le fais pas dire !… Or, quand on est soldat et que l’on n’est pas très discipliné, le métier, à ce que je me suis laissé raconter, ne va pas sans certain inconvénient redoutable…

— Bah ! on n’est jamais fusillé qu’une fois ! émit vaguement Rouletabille qui s’amusait de l’embarras gran-