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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

gné. Il avait revêtu sa tenue civile la plus élégante, mais il n’avait pas lâché sa pipe.

C’était par une nuit noire, dans une rue noire.

L’hôtel lui-même ne sortait de l’ombre opaque que lorsque les lanternes d’une auto venaient l’éclairer. L’auto stoppait, un couple en descendait, une petite porte sur la gauche de l’hôtel s’ouvrait, le couple disparaissait et l’auto s’éloignait, allait se garer une centaine de mètres plus loin.

Les arrivées se faisaient de plus en plus nombreuses.

En glissant le long du trottoir, le reporter entendit une douce musique ; l’écho langoureux et traînard des tangos d’antan.

« Ils sont vraiment enragés, pensait le reporter, et puis, on ne doit pas seulement danser là-dedans, on doit jouer. »

Rouletabille réfléchit qu’il était impossible que la police ne fût pas au courant de ces petites réunions nocturnes, mais qu’elle avait intérêt à les laisser quelque temps jouir d’un semblant de sécurité pour y pincer certains personnages intéressants qui ne pouvaient manquer de fréquenter un milieu aussi interlope.

Il avait pris soin de remarquer la façon qu’avaient les arrivants de frapper à la petite porte : trois coups, puis un coup, puis deux coups. Personne ne sonnait. Il frappa à son tour.

La porte s’ouvrit. Une vieille femme, la concierge sans doute, lui demanda ce qu’il voulait. Il répondit qu’il était venu pour voir M. Vladimir Féodorovitch ; il affirma même qu’il avait rendez-vous avec lui !…

La concierge le fit entrer dans une petite salle très sommairement meublée d’une table et de deux chaises.

Rouletabille n’attendit pas longtemps.

Il vit presque aussitôt arriver Vladimir qui, en l’apercevant, se mit, selon sa coutume d’autrefois[1], quand il

  1. Le Château Noir.