Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
UNE IDÉE DE ROULETABILLE

me rappelle très bien. L’article était intitulé : « Comment j’ai manqué Bertha Krupp ! »

— Oui, je l’ai manquée, bien manquée !… et je m’en félicite plus que jamais aujourd’hui ! fit Rouletabille.

— An ! ah ! vraiment ! répondit le « Binocle d’écaille ». Vous vous félicitez aujourd’hui de cela ? Auriez-vous donc une idée, monsieur Rouletabille ?

— Rouletabille a toujours des idées ! affirma le directeur de l’Époque.

— Oui, répondit le reporter, j’ai une idée… mais je ne sais si elle vous agréera… car j’ai entendu demander tout à l’heure une idée extraordinaire et la mienne est bien l’idée la plus ordinaire du monde !

— Voyons donc votre idée ordinaire, jeune homme… demanda le « Bureau de tabac ».

— Eh bien ! j’ai idée d’aller à Essen faire évader Théodore Fulber, sa fille et le fiancé de sa fille, car certainement ils ne consentiraient point à s’en aller, s’ils ne peuvent se sauver tous trois… et cela, bien entendu, avant que les Boches ne soient en possession du secret de la Titania !

— Eh mais ! vous trouvez cela une idée ordinaire, vous ? fit le « Binocle d’écaille », stupéfait.

— C’est une idée si ordinaire, monsieur, qu’elle peut ne pas réussir…

— Et si elle ne réussit pas, que ferez-vous ?…

— Eh ! monsieur, la seule chose qui me reste à faire ! et qui m’est indiquée d’une façon tout à fait précise par le bon bout de la raison… Si je ne puis sauver les trois êtres qui possèdent le secret de Titania, il ne me restera plus, pour nous sauver de ce secret, d’une façon absolue, comme le demande Monsieur le Président, il ne me restera plus qu’à les tuer tous les trois !… »

Ceci avait été dit d’une voix si nette et si tranchante que tous ceux qui étaient là s’avancèrent vers le jeune reporter, d’un même mouvement, sous le coup d’une même émotion…