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NOURRY

VI

NOURRY

Il était jeune encore, de physionomie très intelligente et paraissait avoir beaucoup souffert physiquement. Il avait un bras en écharpe. Il était vêtu d’un costume assez hétéroclite de poilu convalescent. On le fit asseoir ; le directeur de la Sûreté lui dit :

« Nourry, vous allez nous conter tout ce qui vous est arrivé à Essen depuis le jour où vous avez connu Malet… puis comment vous vous êtes évadés tous deux, et comment Malet fut tué à la frontière hollandaise. »

L’homme commença aussitôt :

« Messieurs, j’ai été fait prisonnier à l’Yser. J’ai été dirigé aussitôt sur le camp de Rastadt. Il n’y avait pas huit jours que j’étais là que l’on me demandait si je ne voulais pas aller travailler de mon état à Essen, chez Krupp.

« Je sors de l’École des Arts et Métiers. Depuis cinq ans, j’étais à la tête d’une grande maison de coutellerie de Guéret. Mes papiers avaient appris ces détails aux Boches. Je leur ai répondu : « Si c’est pour fabriquer des baïonnettes ou travailler aux munitions, il n’y a rien de fait. »

« Ils m’ont dit : « Non ! c’est pour fabriquer des ciseaux, des ciseaux pour coudre, pour les femmes. » Je croyais qu’ils se payaient ma tête. Mais je me suis dit : « On verra bien », et je leur ai répondu : « Ça va ! »

« Et je suis arrivé à Essen.

« Il y a là, en dehors des usines, des camps de prisonniers militaires.