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MADAME FULBER

Il y eut un silence, puis le « Président » reprit :

« Pour que vous nous affirmiez, madame, d’une façon aussi nette, que cet homme est incapable d’abuser des secrets qu’il possède, c’est, sans doute, que vous le croyez entièrement dévoué à la France, ou tout au moins dévoué à la cause des Alliés ?…

— Non, monsieur, non !… Ce n’est point pour une raison patriotique quelconque que je le crois incapable d’une infamie… si j’ai parlé ainsi, c’est que je connais son caractère et aussi son amour pour ma fille ! »

Ici, le directeur de la Sûreté générale demanda la permission de poser une question ;

« Savez-vous, madame, que Serge Rejitzky n’est pas le vrai nom du fiancé de Mademoiselle Fulber ?

— Nous le savons, monsieur le directeur, il s’appelle Serge Kaniewsky, de son vrai nom, et, sous ce nom-là, a été traqué en Pologne et en Russie, poursuivi en France lors du procès des anarchistes, condamné à cinq années de prison, qu’il a faites bien qu’on n’ait rien pu prouver contre lui de bien précis…

— Bref, interrompit le chef de la Sûreté, c’est un homme qui a beaucoup souffert et qui croit avoir été injustement condamné par la France. C’est un homme qui ne doit pas aimer beaucoup la France ?

— C’est possible, monsieur ! mais ma fille l’aime, elle, la France, et vous pouvez être sûr que son Serge fera comme s’il l’aimait, lui aussi, car dans cet ordre d’idées, Serge sait parfaitement que ma fille ne lui pardonnerait point (sans parler de trahison) une simple défaillance… Or, pour Serge, je le répète, il n’y a plus au monde que ma fille ?… Il est arrivé chez nous, mourant de faim, mis à l’index par toutes les polices de la terre, avec des idées formidables de vengeance contre le genre humain… cet homme n’avait encore connu que la naine ! Il était laid, moralement et physiquement. Vous entendez, messieurs ! physiquement !… plutôt très laid que laid !… Il a suffi que ma fille se penchât sur cette épave… Et un