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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

L’un d’eux va à l’homme.

« Mister Cromer, voulez-vous entrer avec nous, je vous prie ?… »

La vieille dame n’a pas bougé. Elle reste dans le vestibule, avec l’huissier qui referme sur les autres la porte du bureau de son chef. Dans le bureau, tous se sont assis.

Nous avons désigné avec une discrétion nécessaire les « hauts personnages » qui sont réunis là par les soins du directeur de la Sûreté générale. Et pour préciser leur individualité, nous userons des termes mêmes dont se servait Rouletabille quand il avait à rappeler dans ses notes le rôle que chacun assuma dans cette mystérieuse séance.

D’abord, il y avait celui que tous appelaient « monsieur le Président » et quelquefois « monsieur le Premier », expression dont on se sert à la fois pour adresser la parole au premier ministre, président du Conseil, et aussi au président de la Cour d’appel de Paris.

Le second « haut personnage », celui-là même qui avait introduit Mr Cromer, se distinguait par un énorme binocle à garniture d’écaille qui lui mettait deux véritables hublots sur sa face glabre, chaque fois qu’il avait à lire quelque feuille ou qu’il trouvait intéressant d’étudier les jeux de physionomie de son interlocuteur. Rouletabille, en parlant de lui, disait : « le Binocle d’écaille ».

Enfin, le troisième ne cessait de fumer des cigares énormes dont il avait une profusion dans un portefeuille grand comme une petite valise. Rouletabille l’avait surnommé depuis longtemps déjà : « le Bureau de tabac. » En entrant, le reporter s’était glissé dans un coin obscur d’où il pouvait tout voir et où il espérait se faire oublier.

« Faut-il introduire Nourry ? demanda d’abord le chef de la Sûreté. Mais le Binocle d’écaille », sortant des papiers de son maroquin :

— Non, pas encore ! je vais vous lire la lettre de Fulber que « le Service des inventions » a retrouvée !…