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BARBARA OU NICOLE ?

aurons pas rejoints l’un et l’autre, il nous reste un espoir ! »

Ainsi avait parlé Rouletabille. Avait-il été seulement entendu ? Les autres ne lui répondirent même point. Croyait-il lui-même à ce qu’il disait ?

Le fait est qu’il le disait sans grande conviction. Il était au bout de ses efforts. Il avait fait plus qu’il n’avait espéré. Et il n’osait plus, après une aventure qui sauvait Paris, demander à la Providence une faveur nouvelle qui eût, en surplus, sauvé Nicole.

Cependant il y avait des instants où il était comme réveillé en sursaut par la vision d’un geste qu’il répétait machinalement. Il se croyait encore, il se voyait encore, en train de frapper Nicole !… Et il eût donné sa vie pour n’avoir pas frappé la vraie !…

Jusqu’à Arnhem, il s’était montré fort, plus fort qu’il n’aurait cru ; il avait bien pensé que là le doute au moins cesserait.

Eh bien ! le doute continuait… ou pour mieux dire, l’espoir, sans avoir complètement disparu, n’était plus qu’une toute petite chose… si petite…

Dans le train, il avait pleure silencieusement en voyant les pauvres figures de Fulber et de Serge.

Le Polonais ne lui montrait plus d’hostilité… Docile, il se laissait conduire, sans aucune réaction… Ce n’était plus que de la douleur, dans un coin…

À Rotterdam, ils se mirent à la poursuite de Lixhe ou, plutôt, ils suivirent tous Rouletabille qui cherchait Lixhe. De la salle de rédaction, on les envoya sur le port ; on les vit déambuler comme des âmes en peine le long des canaux qu’animait un négoce décuplé depuis la guerre en dépit des entraves sous-marines ; ils échouèrent, pour le déjeuner, dans une immense brasserie, où généralement déjeunait Lixhe. Cette brasserie était en même temps une sorte de Bourse du commerce où l’on traitait mille affaires entre un compotier d’anchois et d’énormes pots de bière… Mais Lixhe n’était pas là…