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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

À ce moment le bruit sourd et répété de détonations d’artillerie fit dresser l’oreille à Rouletabille, à La Candeur et à Vladimir… et du coup, la rage du Polonais et le désespoir de Fulbert en furent comme suspendus…

« Qu’est-ce que c’est que cela ? dit Rouletabille. Et d’abord pourquoi n’avons-nous pas déjà appareillé ?.. A cette heure, nous devrions être déjà en route.

— Je vais voir… » fit Vladimir.

Le Slave se glissa entre les caisses et disparut.

Il resta absent dix minutes pendant lesquelles les coups de canon ne cessèrent point. Rouletabille avait peine à contenir son anxiété. Les deux autres ne disaient rien.

Enfin Vladimir réapparut.

« Voilà, jeta-t-il, c’est bien simple. On s’est aperçu de votre évasion à l’usine… et on doit se douter que vous êtes à bord de quelque bâtiment, car le port est fermé et tous les départs sont suspendus !

— Bonsoir de bonsoir ! nous v’là encore fichus ! gronda La Candeur… ça allait trop bien !… » (car La Candeur qui avait depuis longtemps fait le sacrifice de Nicole, trouvait que tout allait bien du moment que l’on était sur le point de toucher à une terre neutre).

Rouletabille dit simplement :

« Nous partirons quand même, parce qu’il faut partir… Es-tu prêt, Vladimir ?

— Mon cher, répondit Vladimir, je ne suis prêt que pour le déjeuner de midi, moi !

— Un Boche, répliqua l’autre, est toujours prêt à faire la noce à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit !… Profite donc du retard dans le travail, imposé par la défense officielle d’appareiller, pour sortir ton gala !… Toute la boustifaille dehors et les paniers de champagne de Nelpas Pacha… Un pacha, ami d’Enver le Magnifique, sait bien faire les choses !…

— Mais c’était entendu ! tout était entendu pour midi !…