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À FOND DE CALE

tage. Sans doute aurait-elle pris ses précautions et averti qui de droit, sans doute aurait-on préparé, de concert avec elle, un traquenard… Il appartenait à Rouletabille de le déjouer…

En conséquence de quoi, le reporter avait, lui, préparé la fausse piste qui, en tout état de cause, devait égarer pendant quelques instants, tous les chiens de police lancés sur les fuyards. Quand le moment d’agir fut arrivé, on sait comment, à cet instant précis, avaient surgi de toutes parts les ombres, qui ne surprirent point le reporter, mais qui vinrent ajouter un poids nouveau dans le plateau de la balance où Rouletabille était en train de peser la fausse Nicole. Toutefois, l’esprit du reporter gardait trop de lucidité pour donner une valeur de preuve à cette intervention redoutable. Les policiers pouvaient être là et avoir surpris les secrets de Rouletabille sans que Nicole les eût dénoncés. Et, puisque le reporter n’avait pas eu le temps, vu la rapidité des événements, d’établir l’identité réelle de la jeune fille avec l’aide de son père et de son fiancé… il avait frappé sans savoir au juste qui il frappait et parce que c’était son devoir de frapper ! et parce qu’il avait reçu, de la main même de la vraie Nicole, l’ordre de frapper !… Il serait difficile de donner à ce froid résume d’un récit-argument comme, seul, Rouletabille était capable de le concevoir, la couleur glacée et fatale qui en faisait, au fond de cet abîme où une si grande passion bouillonnait, l’originalité. Un professeur, armé d’un bâton de craie, n’aurait point tracé d’une façon plus calme et plus détachée, sur le tableau de l’école, les lignes de son raisonnement algébrique au bout duquel il ajoute à l’ordinaire les lettres fatidiques C. Q. F. D. (ce qu’il fallait démontrer).

Mais voilà que le reporter ne s’était pas plus tôt tu que des grondements sinistres remuèrent l’ombre, et que la voix de Serge, bavante et glapissante, l’emplirent de syllabes farouches…