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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

secrets d’un homme qui n’aurait plus l’occasion de les leur livrer… Si l’affaire tournait mal, Rouletabille mourrait avec Serge, car il n’hésiterait pas plus à le frapper qu’il n’avait hésité dans cette minute tragique où il avait fait un cadavre dans les demi-ténèbres de la chambre de dessin…

Fort d’être parvenu ainsi, sans défaillance, à priver la Titania de l’âme dont elle avait besoin pour vivre de sa vraie vie, faible de tous les efforts dépensés, ému aussi de la douleur foudroyante de cet homme qui l’écoutait comme un mourant écoute la parole qui peut le rattacher à la vie, Rouletabille, indifférent désormais en ce qui le concernait, aux conséquences d’un aveu qui pouvait lui être fatal, avoua qu’il avait frappé à mort Nicole, parce qu’il n’était pas sûr que ce fût Nicole !…

Il narra la chose comme on lit un rapport, d’une voix blanche et monotone qui ajoutait, sans qu’il s’en doutât, à l’horreur d’un crime rendu nécessaire non point par une certitude quelconque, mais par un doute absolu !

Car le doute, lui aussi, est une conclusion comme l’affirmation, comme la négation, et entraîne, dans certaines circonstances, un impitoyable verdict…

Il commença par dire comment il avait assisté à la fameuse entrevue de Serge et de la fille de Fulber et ce qui s’en était suivi, et comment Nicole avait été amenée à lui signer ce papier qui lui donnait sur elle droit de vie et de mort.

Et puis, ç’avait été l’absence prolongée de la jeune fille ; l’inquiétude de Rouletabille, sa visite nocturne à la maison de Hans, devant la fenêtre de Nicole… et puis l’inutile retour de Nicole en compagnie d’Helena dans le bureau de Richter… et enfin le déjeuner de fiançailles…

C’était là que le drame s’était noué formidablement.

Un moment, Rouletabille s’était demandé s’il avait réel-