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LE DÉJEUNER DES FIANÇAILLES

— C’est vrai, fit Rouletabille d’une voix grave ! Elle m’a souri !… Entends bien cela, Vladimir : cette jeune fille est sublime ! Il n’est rien de plus beau, de plus héroïque au monde que Nicole !… »

Un instant, il garda le silence, et puis :

« Et maintenant, tu vas me dire pourquoi la princesse Botosani, qui a été invitée, n’est pas venue au déjeuner de fiançailles !…

— Tu avais donc bien besoin de lui parler ?

— Moi, sursauta Rouletabille, je ne la connais pas, et ne la veux pas connaître ! et je ne lui aurais pas dit un mot !…

— Alors, ne regrette rien !…

— Si, tout de même, je regrette… je regrette beaucoup ! Mais tu ne m’as pas dit le motif de son absence… Elle est souffrante, peut-être ?

— Nullement, mais ce matin, alors qu’elle essayait une magnifique toilette qui devait la faire la reine de cette fête, car elle veut toujours être la première partout, elle a reçu l’ordre de se rendre à un déjeuner d’affaires où doivent se rencontrer un envoyé spécial d’Enver Pacha, un représentant de la Wilhelmstrasse et un autre grand personnage dont elle n’a pas voulu me dire le nom. »

Les couleurs de Rouletabille avaient à nouveau disparu.

« Étrange ! étrange ! murmura-t-il… fatale coïncidence », et il se passa une main sur le front où perlait une sueur glacée…

Il s’éloigna un instant de Vladimir et vint rôder autour de Nicole. Celle-ci l’aperçut, passa près de lui et lui dit :

« Je compte sur vous ! je tiens toujours mes engagements ! Tenez les vôtres ! »

Et elle s’était reprise à sourire comme on sourit aux anges.

Rouletabille s’était laissé presque tomber sur un vaste fauteuil de cuir. Il resta là, la tête enfouie dans les mains, pendant quelques instants. Puis il se leva, rejoignit Vla-