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LE DÉJEUNER DES FIANÇAILLES

des types humains des cinq parties du monde. Le sol est recouvert d’un carrelage rouge où traînent des tapis ; des canapés et des fauteuils de cuir rouge s’alignent le long des murs. L’hôtel est, en principe, destiné à recevoir des envoyés officiels venus à Essen pour leurs commandes d’artillerie. »

Ils y étaient traités en invités, et traités royalement. Certains de ces envoyés demeuraient un an, deux ans même, pour assister à la fabrication. De sorte qu’avec ses cinquante chambres, l’Essener-Hof coûtait quelque chose comme 500 000 fr. par an à la fabrique, sans compter les frais supplémentaires.

Dans le moment qui nous occupe, il n’y avait naturellement que des représentants des puissances alliées de l’Allemagne et aussi de certains pays neutres. Il y avait aussi quelques journalistes neutres, triés sur le volet de la presse germanophile. Enfin, la plupart des personnages qui se trouvaient dans le cortège de l’Empereur, lors de la visite nocturne chez Krupp, avaient été invités par le général von Berg.

Le déjeuner de gala se donnait dans la grande salle des fêtes, et quand Richter y arriva avec Rouletabille, il a y trouvèrent déjà une société qui était de la plus charmante humeur du monde. Les dames étalaient le grand décolleté comme pour un dîner.

Rouletabille, en traversant les salons, avait aperçu Vladimir. En pénétrant dans la salle des fêtes, il vit Nicole ! Il chercha alors la princesse Botosani et ne la trouva pas. Il s’étonna qu’elle n’eût pas été invitée. Richter présenta le reporter à Nicole (il avait déjà eu l’occasion d’être présente à Helena).

« Un compatriote ! dit tout haut Richter en français. Ce doit être pour vous deux une bien grande consolation de vous rencontrer dans cet abominable pays où l’on traite les prisonniers comme des esclaves et où on les laisse mourir de faim.

Ach ! s’exclama derrière eux le général von Berg,