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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

comme des porte-plumes… Oui, tout écrasait, et aussi tout étourdissait en raison du tumulte formidable frémissant aux flancs martelés de la Titania !

Écrasé, étourdi, et aussi ébloui par les nappes de lumière électrique déversées par mille étoiles suspendues à un ciel de bois qui ne devait plus s’ouvrir que pour laisser s’échapper le redoutable vaisseau de l’air, Rouletabille s’arrêta un instant, le cœur battant, l’âme pleine d’une angoisse telle que des gouttes de sueur perlèrent à ses tempes. Il saisit d’un geste nerveux, presque inconscient, le bras de son compagnon :

« Eh bien ! lui dit-il, tu le vois, le canon de 300 mètres !… Tu vois que ce n’était pas un rêve !… »

Ce n’était pas un rêve : ce canon, qui était un tube lance-torpille, avait 400 mètres de long !

Elle était là, presque entièrement réalisée, la Titania née dans le cerveau en flammes de Fulber ! Et cependant, si Fulber avait pu la voir, il en serait mort de douleur !

Elle ne tournait point son cône menaçant vers la cité maudite des hommes, mais elle s’apprêtait à partir pour Paris, voué, par l’Empereur du feu, à la mort et à la destruction !…

Cette pensée terrible rendit à Rouletabille toute sa présence d’esprit et tout son sang-froid…

« Suivons l’Empereur ! » souffla-t-il à La Candeur qui Paraissait complètement hébété, anéanti par la vision kolossale. Et il l’entraîna.

Ils furent encore une fois derrière le cortège, comme s’ils étaient de service commandé, et ils assistèrent à tout, se glissant pour mieux voir, entre des poutrelles épaisses comme des piliers de cathédrale, courant sur des madriers à l’équilibre chancelant, et sans éveiller l’attention de quiconque, se rapprochant assez de la parole impériale pour l’entendre donner ses brèves explications qui, dans le tumulte, devaient être criées…

Ainsi firent-ils le tour des choses et se trouvèrent-ils avec les autres dans le tube et dans la torpille elle-même,