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LE PLUS GRAND CHANTAGE…

« Sortons !

— C’est fini ? implora La Candeur, sitôt qu’ils furent hors du poste…

— Bah ! mon vieux ! ça ne fait que commencer !…

— Bonsoir de bonsoir !…

— Maintenant, il faut se trotter pour rattraper le cortège… mais d’abord, attends un peu !… »

Comme ils se trouvaient alors isolés dans un coin d’ombre envahi par toutes sortes de détritus que l’on avait poussés là, Rouletabille déchira méticuleusement les papiers qu’il venait de couvrir d’une écriture magnifique et en jeta les morceaux sous un tas de cendres.

« Vrai ! fit La Candeur, c’était bien la peine de me faire passer à t’attendre les plus mauvaises minutes de ma vie ! T’as jamais été aussi long à écrire un article ! Et v’là que tu le fiches au panier !… »

Rouletabille lui ferma la bouche et lui montra le cortège qui revenait de leur côté.

Ils le rejoignirent, au moment où il pénétrait dans le monstrueux bâtiment dont la silhouette fantastique dominait l’usine et la ville, et qui faisait l’objet de toutes les conversations de Dusseldorf à Duisburg, et dans toute la plaine d’enfer entre le Rhin et la Ruhle…

La première impression, lorsqu’on entrait dans ce prodigieux vaisseau, était faite de deux choses : d’écrasement et d’étourdissement. Les dimensions vraiment colossales de ce berceau dont la longueur atteignait presque un demi-kilomètre et qui était capable de contenir dans sa résille de bois et de fer titanesque le plus monstrueux des léviathans, avec son tube de lancement, allongé, à son extrémité la plus élevée, d’une « cuiller » formidable ; la hauteur inappréciable au premier abord des échafaudages, des passerelles, des ponts d’acier volants, roulant sur leurs galets, d’une extrémité à l’autre de cette voûte de fer dont l’arc allait bientôt se refermer à plus de 40 mètres au-dessus du sol… et transportant des équipes d’ouvriers qui, à cette distance, paraissaient grands