Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
ROULETABILLE CHEZ KRUPP

bien entendu parler, n’est-ce pas, de Théodore Fulbert un savant innocent qui était l’ami de tous les hommes !) c’est moi qui avais trouvé un engin… un engin formidable… Eh bien ! le monstre me l’a volé !… j’ai tué la guerre, mais au profit du monstre !… Si vous ne le tuez pas, tremblez !… Car je vous le dis, je vous le dis ! il vous tuera ou vous serez réduits en servitude !… Comment peut-il encore exister ?… Il vous dévorera !… Je vous dis qu’il vous dévorera !… Arrachez-lui donc le cœur, et jetez-le aux chiens !… Assassin ! Assassin ! Assassin !… »

L’Empereur avait-il souri ? haussé les épaules ? ricané ? Il suffit d’un tout petit geste de l’adversaire détesté pour décupler soudain la rage d’un animal dont le sang, déjà, bouillonne. Toujours est-il que Fulber, perdant tout aspect humain, se précipita tout à coup sur l’Empereur avec l’élan furieux d’une bête bavante, à la mâchoire altérée de sang et aux ongles meurtriers… Cette fois, il ne fut que temps d’intervenir et deux gardiens ne furent point de trop pour maintenir le vieillard enragé, le rejeter dans son cabinet de travail et refermer à clef la porte sur lui.

« Cet homme est fou ! proclamèrent tous ceux qui accompagnaient l’Empereur, mais l’Empereur dit :

« Non ! il n’est point fou ! il n’est point fou, mais simplement furieux du bon tour que je lui ai joué et que je vais vous faire connaître… »

Il entraîna, sur ces paroles, encore énigmatiques pour beaucoup, tout son monde dans la salle où l’on avait pénétré en premier et où l’on se trouvait à l’abri des clameurs, des gémissements et des malédictions de Fulber…

Et là, ayant allumé en souriant une cigarette, il commença :

« Messieurs, Fulber est si peu fou qu’il ne se vante nullement lorsqu’il dit avoir trouvé un engin tel qu’il n’y a pas de guerre possible contre celui qui le possède !… Lorsque je me suis emparé de Fulber et de ceux qui travaillaient avec lui, c’est-à-dire de sa fille, et du fiancé de sa fille, Fulber, comme il vous l’a fait entendre dans son