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UNE NUIT DANS L’ENFER

— Enlève ta capote !… fit rapidement Rouletabille… Il veut que tu mettes les manches !

— Bonsoir de bonsoir ! mais je ne peux pas les mettre, les manches !…

— T’arrête pas ! Mais ne t’arrête donc pas ?… fais semblant de les passer !… et il nous lâchera peut-être !… »

La Candeur enleva sa capote et essaya de passer une manche, toujours en marchant…

« Ah ! je ne peux pas ! je ne peux pas !

— Sûr ! t’aimerais mieux avoir sa capote à lui !

— Elle m’irait comme un gant ! acquiesça La Candeur qui commençait à trembler…

— Sans compter qu’elle te ferait sergent du coup ! ce qui n’est pas désagréable !

— Rigole pas, Rouletabille ! le v’là ! le v’là !… Je te dis qu’il va nous avoir !… j’en ai une peur ! j’en ai une peur !

— Marche sans t’occuper de rien, en gardant maintenant ta capote sur l’épaule, si tu as si peur que ça, tant mieux !

— Pourquoi donc ?

— Parce que quand il va être près de nous, tu vas te retourner tranquillement et tu lui donneras ton coup de poing de la peur !…

— Comme au Turc, dans le Château noir ? [1]

— Comme au Turc !… faut pas qu’il fasse ouf ! tu sais, si tu le rates je ne donne pas un pfennig de notre peau à tous les deux !…

— On ne sera jamais plus tranquille dans cette vallée de malheur ! » grogna encore La Candeur qui grelottait littéralement d’effroi…

Mais Rouletabille vit avec plaisir qu’il se libérait le bras et le balançait déjà en fermant un poing des plus imposants… Or, le feldwebel fut, dans le moment, sur eux, jurant et gesticulant…

Il arriva ce qu’il devait arriver. La Candeur se retourna « tranquillement », comme le lui avait recommandé Rou-

  1. Le Château Noir, 2 vol.