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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

penses si j’en menais large… Je ne savais pas ce qu’il me disait, moi. À tout hasard, je lui ai répondu : Ia ! en me penchant dans ma boîte et en ayant l’air très occupé… Paraît que ça a collé puisqu’il a continué son chemin en me jetant un : Gute nacht ! auquel je n’ai même pas répondu à cause de l’accent ! Tu sais, je me méfie : il n’y a que : Ia que je sais en allemand et que je dis bien… Le reste de la langue, vaut mieux ne pas en parler !… Et maintenant, filons !…

— Oui, dit Rouletabille, en route !… Nous n’avons plus rien à faire ici !… »

Ils ramenèrent l’échelle à sa hauteur accoutumée, et partirent promptement en poussant leur petit char.

11 leur fallait à nouveau traverser les avenues très embarrassées et très fréquentées… Ils s’y jetèrent bravement, courant presque comme s’ils avaient reçu l’ordre de se rendre au plus tôt à un endroit où leurs services étaient réclamés.

Tout à coup, ils virent se dresser devant eux le grand diable à casquette rouge, le sergent-pompier, dont venait de parler La Candeur.

« C’est lui ! soupira La Candeur !… c’est encore lui !… Ah ! il va nous voir !… »

Rouletabille ralentit sa marche et passa bravement sous le nez du terrible sous-off. Celui-ci, s’adressant à La Candeur, lui jeta d’une voix rude dans son jargon de soldat boche :

« Je t’ai déjà dit de mettre ta capote à l’ordonnance ! prends garde que j’aie à te le répéter ! Si tu étais de ma section, t’aurais appris à me connaître, bougre d’entêté !

— Faites pas attention ! grogna Rouletabille, mon camarade est un peu sourd !… je vais lui parler ! »

Et il hâta le pas, prenant sur sa gauche, une ruelle mi-obscure… Mais l’autre les suivait.

« Qu’est-ce qu’il veut encore, l’animal ? Il me fait peur celui-là ! gémit La Candeur qui essuyait de grosses gouttes de sueur sur son front… Et il ne nous lâche pas, tu sais !