Page:Leroux - Rouletabille chez Krupp, 1944.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
UNE NUIT DANS L’ENFER

a été louée par les prisonniers français qui travaillent dans l’usine. C’est dans celle-ci que nous trouvons Rouletabille et son compagnon en face des reliefs d’un souper qui fait encore faire la grimace à La Candeur.

Rouletabille a laissé la porte de communication entr’ouverte et, de sa place, il assiste à tout ce qui se passe dans la grande salle. Celle-ci se vide peu à peu. Les clients se plaignent de la subite disparition de fraulein Ida et de fraulein Emma.

La mire Klupfel qui ne tient plus de fatigue sur ses vieilles jambes leur a répondu que ses filles, exténuées, étaient montées se coucher ; mais la porte obstinément close de certain cabinet particulier et la présence de deux capotes et de deux casquettes rouges de pompiers suspendues pris de cette porte à deux patères ont suffi pour exciter certaines imaginations un peu échauffées par le « Munich » ; fraulein Emma et fraulein Ida, s’il fallait en croire certains clients attardés, étaient en train de souper avec les propriétaires desdites casquettes rouges et desdites capotes de pompiers. Quelqu’un a même ajouté que si les fiancés de ces demoiselles, qui travaillaient à cette heure à la fonderie, pouvaient se douter de ce qui se passait, ils n’en concevraient aucune satisfaction !… À quoi un habitué, qui paraissait au courant des choses, répliqua que messieurs les fiancés n’auraient garde d’en vouloir à ces deux jeunesses d’amasser une honorable dot !

Cette dernière réflexion sembla mettre tout le monde d’accord. Les derniers clients gagnèrent la porte qui donnait sur la cour de l’Arbeiterheim

Rouletabille ne laissait échapper aucun de ces mouvements, cependant que La Candeur gémissait dans son gilet :

« Et dire que j’ignore encore ce que nous sommes venus faire ici !… Je ne sais pas ce que tu manigances, mais ils sont ici 300 000 ! Qu’est-ce que tu veux que nous fassions à deux contre 300 000 !…